Marcel SIMON (1916-1942)
un jeune homme dans la Résistance !
Une jeunesse à Ludres.
Le 11 septembre 1916, Hubert Simon, mobilisé à la 16e section de munition du 15e régiment d'artillerie de campagne, apprend la naissance de son fils, Marcel.
Sa femme, Félicité Lhumen, a accouché la veille, chez elle, 17 Rue de Secours à Ludres, à 22 heures.
Charles, le fils aîné, né en 1913, est tout heureux de l'arrivée de ce petit frère, avec qui il va pouvoir enfin s'amuser malgré la guerre qui fait rage au loin.
Marcel Simon, son frère et ses parents
Hubert Simon, le temps d'une permission, fin 1916, fait alors connaissance de son second fils.
Jusqu'à la signature de l'armistice du 11 novembre 1918, et le retour de son mari, en mars ou avril 1919, Félicité Lhumen va gérer, seule, ses fils et le quotidien.
Marcel Simon et son frère, Charles, vont grandir dans un monde en guerre puis en paix avec l'insouciance de leur jeunesse.
Dans l’entre-deux guerres
La Première Guerre mondiale finie et, avec le retour du père, la famille Simon reprend le cours de sa vie...
A 14 ans, Marcel travaille dans la mine du Nord-Est, avant qu'elle ne ferme définitivement en 1934.
Il occupe ensuite un poste de comptable et de pointeur (employé chargé du pointage des ouvriers) dans l'entreprise de travaux publics Duval de Nancy.
Jusqu'au moment où il va effectuer son service militaire, Marcel Simon assure, avec sérieux, ses tâches quotidiennes de comptable.
Il est appelé sous les drapeaux, le 2 septembre 1937, pour faire ses classes, au sein du 23e régiment d'infanterie de forteresse (R.I.F.), unité alors basée à Haguenau (Alsace).
Le 1er janvier 1938, il est affecté à la 22e compagnie, se trouvant dans l'abri de Soufflenheim, élément fortifié de la Ligne Maginot.
Marcel Simon au 23e R.I.F.Un soldat au 23e R.I.F.
Alors cantonné à la casemate de Rieffel d’Oberroedern (Bas-Rhin), Marcel Simon appartient à la 21e compagnie du 23e R.I.F. où il côtoie notamment un certain Marcel Bigeard, futur général, sergent dans la même unité, dès le mois de mars 1939.
Le 25 octobre 1939, il est muté à la compagnie hors rang (compagnie regroupant les missions d'approvisionnement, l'administration, les communications et le commandement d'un régiment) du 23e R.I.F.
Il apprend que son frère, Charles, qui fait partie du 69e R.I.F. est fait prisonnier et envoyé en Allemagne.
En mars 1940, Marcel se trouve au dépôt d'infanterie n°202 d'Epinal.
Le 28 décembre 1940, il écrit une lettre à son frère : « Mon cher Charles. Je t’écris ces quelques mots pour te donner de mes nouvelles, et j’espère que ma petite lettre te trouvera en bonne santé. J’en profite aussi pour te souhaiter une bonne et heureuse année pour 1941, et que cette nouvelle année te fasse revenir près de nous. Quand à Nancy pas grand-chose de neuf, il fait froid et il y a de la neige et sur la route il ne fait pas bon rouler. Quand au boulot, ce n’est pas qui manque en ce moment, c’est plutôt le personnel qui fait défaut. A l’heure que je t’écris, c’est la distribution des acomptes et il y a foule au bureau, mais il y a beaucoup de nouveaux parmi les pointeurs et les chefs de chantier. Comme anciens pointeurs il n’y a guère que moi et Mater, quand tu rentreras tu trouveras du changement. Le gros Louis a quitté la maison quand au Léon il habite Choloy et travaille a Pulligny et Pont-Saint-Vincent. Son fils devient de plus en plus malin et il coure comme un homme, il faudrait que tu entendes ses réflexions, il est marrant. Je ne vois plus grand-chose à te dire pour aujourd’hui et dans l’attente d’avoir bientôt de tes nouvelles, je te quitte en te serrant une bonne poignée de main et en te souhaitant bon courage. Le bonjour du bureau. Marcel.
Un résistant convaincu
La présence des Allemands dans son village, indispose Marcel Simon.
Avec d'autres Ludréens, comme André Pacault, mineur et Hubert Weisse, boulanger chez Choné, il décide d'entrer dans la lutte contre l'occupant.
Marcel Simon et Hubert Weisse
En compagnie de Pacault, chef de la cellule de Ludres, et de Weisse, il participe, le 28 ou le 29 mars 1942, au vol de 17 caisses de dynamite et de titanite à la poudrière de la mine du Nord-Est de Ludres.
Marcel Simon va prendre part à différentes actions de sabotage : pont-canal de Flavigny-sur-Moselle, moteur de la centrale électrique de Neuves-Maisons, voie ferrée de Messein...
Le 24 avril 1942, Marcel Simon est arrêté, sur son lieu de travail à Nancy, dans le cadre de l’affaire Pacci pour « terrorisme et détention d’armes ».
Dénoncé par Giovanni Pacci, il est accusé d’accointances communistes et de détenir illégalement des armes, des munitions et des explosifs.
Il est interné dans la prison Charles III où il va rester jusqu'au jour de son exécution.
Prison Charles III à Nancy
Avant d’être passé par les armes à Champigneulles, Marcel SIMON a écrit une dernière lettre :
« Mes très chers parents. Il est environ 5 heures du matin, et un bruit de pas se fait entendre à la porte de ma cellule, une clé glisse, tourne et deux ou trois soldats et officiers entrent.
Mes très chers parents, soyez courageux car vous allez en avoir besoin et il faut que Charles vous retrouve à son retour.
Voilà ce qu'il se passe : on vient m'apprendre que le grand chef de Paris a rejeté notre recours en grâce et que nous allons être fusillés à 6 heures 40.
J'aime autant vous le dire franchement, il faut que vous le sachiez quand même.
Hier, j'ai reçu votre lettre et déjà j'avais dit à André que c'était l'affaire de quelques jours, mais lui, il avait encore beaucoup d'espoir.
Chers parents, je sais que vous allez avoir beaucoup de peine et que je vous aurai causé beaucoup de chagrin, vous qui ne le méritez pas : pardonnez-moi.
C'est toi encore, ma petite maman, qui va beaucoup souffrir, et toi, mon cher papa, qui ne m'auras plus pour l'aider : je sais que tu m'aimais bien aussi.
Ma chère maman, mon cher papa, cher Ernest, chère Raymonde, mon cher petit Pierrot, surtout ne fais pas comme ton "vilain Nonon", c'est avec une grande peine et après avoir beaucoup souffert que je vais vous quitter pour toujours...
J'aurais tant voulu vous embrasser avant de mourir, mais hélas, ce n'est pas possible.
Quand vous recevrez cette lettre, je ne serai plus, mais sachez que j'aurai pensé à vous jusqu'à la dernière minute, ne faites pas attention à l'écriture ni aux fautes, et que si j'avais continué à vivre, j'aurais tout fait pour vous rendre heureux sur vos vieux jours.
J'aurais aussi voulu créer un foyer, connaître le bonheur d'être papa mais hélas tout doit cesser pour moi pourtant je n'ai pas encore 26 ans et je dois mourir ; si je meurs c'est que j'ai été vendu par Giovanni Pacci, et après la guerre, essayez de me venger en exterminant toute sa famille qui habite Auboué.
C'est à toi aussi, ma chère petite maman, que revient la lourde tâche de prévenir toute la famille...et tous ceux qui m'étaient très chers - dis leur que j'ai beaucoup pensé à eux.
Je meurs pour avoir, avec Hubert (Weiss) et André (Pacault), caché des armes et des munitions ; la faute n'est pas bien grave, mais je la paie cher quand même, plus cher qu'elle ne vaut ; dis-leur que pour avoir voulu être heureux plus tard et rendre tout le monde heureux, nombreux sont ceux qui ont souffert et qui sont morts. Dis leur aussi que la mort ne me fait pas peur, pour moi, c'est une délivrance et je ne baisserai pas la tête devant le peloton d'exécution et devant ceux qui vous font souffrir. Tout ce qui m'appartenait, vous en ferez ce que vous voudrez.
Donc chère maman, cher papa, cher Ernest, chère Raymonde, cher petit Pierrot, adieu pour toujours je vais mourir, mais sachez que j'ai pensé à vous jusqu'à la dernière minute. Donc, adieu tout le monde, adieu toute la vie, je vous embrasse tous bien fort une dernière fois. Votre fils qui n'a jamais cessé de vous aimer.
Mille fois adieu - mille baisers de votre fils qui vous a beaucoup aimé.
Vive la France. Ma mère me fit mon berceau.
Ma patrie a fait mon tombeau.
Je ne vous dis pas celle que j'avais choisie pour créer mon foyer elle ne recevra plus de mes nouvelles, elle m'oubliera.
Pour mon enterrement, pas de frais ; je passerai à l'Eglise, puisque j'ai vu Mr l'aumônier, mais au cimetière, choisissez-moi une petite place bien tranquille où personne ne passe ; deux ou trois bouquets de fleurs et c'est tout ; ne venez pas me voir trop souvent pour que vous n'ayez pas trop de chagrin ; oubliez vite votre vilain fils qui vous a causé beaucoup de peine, promettez-moi de ne pas trop vous en faire, pour que Charles vous retrouve à son retour, et que toute votre affection se reporte sur lui qui a tant souffert depuis deux ans.
Donc, une dernière fois, adieu ma chère petite maman, mon cher papa, cher Ernest, chère Raymonde, cher petit Pierrot, adieu tous ceux et celles que j'ai connus, je vous embrasse une dernière fois et courage à tous : la délivrance est proche.
Que la mort des martyrs serve à quelque chose et qu'elle vous rende heureux pour l'avenir.
Encore une fois, adieu et mille baisers.
Votre fils et parent qui n'a cessé de penser à vous et qui meurt victime d'une lâcheté.
Je vous embrasse bien fort.
Courage ma chère maman et mon cher papa. »
Lettres écrites par Marcel Simon
Condamné à mort par le tribunal militaire de Nancy (FK 591) le 24 juin 1942, il est fusillé par les Allemands, le 21 juillet suivant, au lieu-dit « La Malpierre », sur la commune de Champigneulles. Son corps et ceux des autres fusillés, seront inhumés au cimetière de Préville, à Nancy.
Il est homologué, à titre posthume, comme sergent des Forces françaises de l’intérieur (F.F.I.) en 1947 et reconnu comme interné résistant.
A la libération, la dépouille de Marcel SIMON se transférer au cimetière de Ludres ; où il repose désormais.
Son neveu, Jean-Claude SIMON perpétue la mémoire de cet oncle résistant qu’il n’a pas connu mais dont il garde précieusement les archives et reliques.
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