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lundi 19 février 2024

Marcel SIMON, un jeune homme dans la Résistance !

 Marcel SIMON (1916-1942)

un jeune homme dans la Résistance !



Une jeunesse à Ludres.

Le 11 septembre 1916, Hubert Simon, mobilisé à la 16e section de munition du 15e régiment d'artillerie de campagne, apprend la naissance de son fils, Marcel.

Sa femme, Félicité Lhumen, a accouché la veille, chez elle, 17 Rue de Secours à Ludres, à 22 heures.

Charles, le fils aîné, né en 1913, est tout heureux de l'arrivée de ce petit frère, avec qui il va pouvoir enfin s'amuser malgré la guerre qui fait rage au loin.

Marcel Simon, son frère et ses parents

Hubert Simon, le temps d'une permission, fin 1916, fait alors connaissance de son second fils.

Jusqu'à la signature de l'armistice du 11 novembre 1918, et le retour de son mari, en mars ou avril 1919, Félicité Lhumen va gérer, seule, ses fils et le quotidien.

Marcel Simon et son frère, Charles, vont grandir dans un monde en guerre puis en paix avec l'insouciance de leur jeunesse.


Dans l’entre-deux guerres

La Première Guerre mondiale finie et, avec le retour du père, la famille Simon reprend le cours de sa vie...

A 14 ans, Marcel travaille dans la mine du Nord-Est, avant qu'elle ne ferme définitivement en 1934.

Il occupe ensuite un poste de comptable et de pointeur (employé chargé du pointage des ouvriers) dans l'entreprise de travaux publics Duval de Nancy.

Jusqu'au moment où il va effectuer son service militaire, Marcel Simon assure, avec sérieux, ses tâches quotidiennes de comptable.

Il est appelé sous les drapeaux, le 2 septembre 1937, pour faire ses classes, au sein du 23e régiment d'infanterie de forteresse (R.I.F.), unité alors basée à Haguenau (Alsace).

Le 1er janvier 1938, il est affecté à la 22e compagnie, se trouvant dans l'abri de Soufflenheim, élément fortifié de la Ligne Maginot.

Marcel Simon au 23e R.I.F.

Un soldat au 23e R.I.F.

Alors cantonné à la casemate de Rieffel d’Oberroedern (Bas-Rhin), Marcel Simon appartient à la 21e compagnie du 23e R.I.F. où il côtoie notamment un certain Marcel Bigeard, futur général, sergent dans la même unité, dès le mois de mars 1939.

Le 25 octobre 1939, il est muté à la compagnie hors rang (compagnie regroupant les missions d'approvisionnement, l'administration, les communications et le commandement d'un régiment) du 23e R.I.F.

Il apprend que son frère, Charles, qui fait partie du 69e R.I.F. est fait prisonnier et envoyé en Allemagne.

En mars 1940, Marcel se trouve au dépôt d'infanterie n°202 d'Epinal.

Le 28 décembre 1940, il écrit une lettre à son frère : « Mon cher Charles. Je t’écris ces quelques mots pour te donner de mes nouvelles, et j’espère que ma petite lettre te trouvera en bonne santé. J’en profite aussi pour te souhaiter une bonne et heureuse année pour 1941, et que cette nouvelle année te fasse revenir près de nous. Quand à Nancy pas grand-chose de neuf, il fait froid et il y a de la neige et sur la route il ne fait pas bon rouler. Quand au boulot, ce n’est pas qui manque en ce moment, c’est plutôt le personnel qui fait défaut. A l’heure que je t’écris, c’est la distribution des acomptes et il y a foule au bureau, mais il y a beaucoup de nouveaux parmi les pointeurs et les chefs de chantier. Comme anciens pointeurs il n’y a guère que moi et Mater, quand tu rentreras tu trouveras du changement. Le gros Louis a quitté la maison quand au Léon il habite Choloy et travaille a Pulligny et Pont-Saint-Vincent. Son fils devient de plus en plus malin et il coure comme un homme, il faudrait que tu entendes ses réflexions, il est marrant. Je ne vois plus grand-chose à te dire pour aujourd’hui et dans l’attente d’avoir bientôt de tes nouvelles, je te quitte en te serrant une bonne poignée de main et en te souhaitant bon courage. Le bonjour du bureau. Marcel.


Un résistant convaincu

La présence des Allemands dans son village, indispose Marcel Simon.

Avec d'autres Ludréens, comme André Pacault, mineur et Hubert Weisse, boulanger chez Choné, il décide d'entrer dans la lutte contre l'occupant.

Marcel Simon et Hubert Weisse

En compagnie de Pacault, chef de la cellule de Ludres, et de Weisse, il participe, le 28 ou le 29 mars 1942, au vol de 17 caisses de dynamite et de titanite à la poudrière de la mine du Nord-Est de Ludres.

Marcel Simon va prendre part à différentes actions de sabotage : pont-canal de Flavigny-sur-Moselle, moteur de la centrale électrique de Neuves-Maisons, voie ferrée de Messein...

Le 24 avril 1942, Marcel Simon est arrêté, sur son lieu de travail à Nancy, dans le cadre de l’affaire Pacci pour « terrorisme et détention d’armes ».

Dénoncé par Giovanni Pacci, il est accusé d’accointances communistes et de détenir illégalement des armes, des munitions et des explosifs.

Il est interné dans la prison Charles III où il va rester jusqu'au jour de son exécution.

Prison Charles III à Nancy

Avant d’être passé par les armes à Champigneulles, Marcel SIMON a écrit une dernière lettre : 

« Mes très chers parents. Il est environ 5 heures du matin, et un bruit de pas se fait entendre à la porte de ma cellule, une clé glisse, tourne et deux ou trois soldats et officiers entrent.

Mes très chers parents, soyez courageux car vous allez en avoir besoin et il faut que Charles vous retrouve à son retour.

Voilà ce qu'il se passe : on vient m'apprendre que le grand chef de Paris a rejeté notre recours en grâce et que nous allons être fusillés à 6 heures 40.

J'aime autant vous le dire franchement, il faut que vous le sachiez quand même.

Hier, j'ai reçu votre lettre et déjà j'avais dit à André que c'était l'affaire de quelques jours, mais lui, il avait encore beaucoup d'espoir.

Chers parents, je sais que vous allez avoir beaucoup de peine et que je vous aurai causé beaucoup de chagrin, vous qui ne le méritez pas : pardonnez-moi.

C'est toi encore, ma petite maman, qui va beaucoup souffrir, et toi, mon cher papa, qui ne m'auras plus pour l'aider : je sais que tu m'aimais bien aussi.

Ma chère maman, mon cher papa, cher Ernest, chère Raymonde, mon cher petit Pierrot, surtout ne fais pas comme ton "vilain Nonon", c'est avec une grande peine et après avoir beaucoup souffert que je vais vous quitter pour toujours...

J'aurais tant voulu vous embrasser avant de mourir, mais hélas, ce n'est pas possible.

Quand vous recevrez cette lettre, je ne serai plus, mais sachez que j'aurai pensé à vous jusqu'à la dernière minute, ne faites pas attention à l'écriture ni aux fautes, et que si j'avais continué à vivre, j'aurais tout fait pour vous rendre heureux sur vos vieux jours.

J'aurais aussi voulu créer un foyer, connaître le bonheur d'être papa mais hélas tout doit cesser pour moi pourtant je n'ai pas encore 26 ans et je dois mourir ; si je meurs c'est que j'ai été vendu par Giovanni Pacci, et après la guerre, essayez de me venger en exterminant toute sa famille qui habite Auboué.

C'est à toi aussi, ma chère petite maman, que revient la lourde tâche de prévenir toute la famille...et tous ceux qui m'étaient très chers - dis leur que j'ai beaucoup pensé à eux.

Je meurs pour avoir, avec Hubert (Weiss) et André (Pacault), caché des armes et des munitions ; la faute n'est pas bien grave, mais je la paie cher quand même, plus cher qu'elle ne vaut ; dis-leur que pour avoir voulu être heureux plus tard et rendre tout le monde heureux, nombreux sont ceux qui ont souffert et qui sont morts. Dis leur aussi que la mort ne me fait pas peur, pour moi, c'est une délivrance et je ne baisserai pas la tête devant le peloton d'exécution et devant ceux qui vous font souffrir. Tout ce qui m'appartenait, vous en ferez ce que vous voudrez.

Donc chère maman, cher papa, cher Ernest, chère Raymonde, cher petit Pierrot, adieu pour toujours je vais mourir, mais sachez que j'ai pensé à vous jusqu'à la dernière minute. Donc, adieu tout le monde, adieu toute la vie, je vous embrasse tous bien fort une dernière fois. Votre fils qui n'a jamais cessé de vous aimer.

Mille fois adieu - mille baisers de votre fils qui vous a beaucoup aimé.

Vive la France. Ma mère me fit mon berceau.

Ma patrie a fait mon tombeau.

Je ne vous dis pas celle que j'avais choisie pour créer mon foyer elle ne recevra plus de mes nouvelles, elle m'oubliera.

Pour mon enterrement, pas de frais ;  je passerai à l'Eglise, puisque j'ai vu Mr l'aumônier, mais au cimetière, choisissez-moi une petite place bien tranquille où personne ne passe ; deux ou trois bouquets de fleurs et c'est tout ; ne venez pas me voir trop souvent pour que vous n'ayez pas trop de chagrin ; oubliez vite votre vilain fils qui vous a causé beaucoup de peine, promettez-moi de ne pas trop vous en faire, pour que Charles vous retrouve à son retour, et que toute votre affection se reporte sur lui qui a tant souffert depuis deux ans.

Donc, une dernière fois, adieu ma chère petite maman, mon cher papa, cher Ernest, chère Raymonde, cher petit Pierrot, adieu tous ceux et celles que j'ai connus, je vous embrasse une dernière fois et courage à tous : la délivrance est proche.

Que la mort des martyrs serve à quelque chose et qu'elle vous rende heureux pour l'avenir.

Encore une fois, adieu et mille baisers.

Votre fils et parent qui n'a cessé de penser à vous et qui meurt victime d'une lâcheté.

Je vous embrasse bien fort.

Courage ma chère maman et mon cher papa. »

Lettres écrites par Marcel Simon

Condamné à mort par le tribunal militaire de Nancy (FK 591) le 24 juin 1942, il est fusillé par les Allemands, le 21 juillet suivant, au lieu-dit « La Malpierre », sur la commune de Champigneulles. Son corps et ceux des autres fusillés, seront inhumés au cimetière de Préville, à Nancy. 


Il est homologué, à titre posthume, comme sergent des Forces françaises de l’intérieur (F.F.I.) en 1947 et reconnu comme interné résistant.

A la libération, la dépouille de Marcel SIMON se transférer au cimetière de Ludres ; où il repose désormais.

Son neveu, Jean-Claude SIMON perpétue la mémoire de cet oncle résistant qu’il n’a pas connu mais dont il garde précieusement les archives et reliques.

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mardi 5 juillet 2011

ARNAUD-GUILHEM DE BARBAZAN, UN SEIGNEUR AU SERVICE DE RENE 1er DE LORRAINE

En complément de la bataille de Bulgnéville, précédemment évoquée,
il me semblait utile de vous proposer une petite biographie d'Arnaud-Guilhem
de Barbazan qui tenta, vaillamment, de sauver la Lorraine

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Article remanié  pour l'occasion, dont une première version
est parue en complément de l'article sur la bataille de Bulgnéville
dans la revue Histoire Médiévale, des Éditions Harnois
en novembre 2001
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Arnaud-Guilhem, seigneur de Barbazan
Le chevalier sans reproche qui apporta son soutien au duc de Lorraine
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Arnaud-Guilhem de Barbazan
(Gravure du gisant se trouvait dans l'abbatiale de Saint-Denis)

Principal conseiller militaire de René d’Anjou pendant la bataille de Bulgnéville, Arnaud-Guilhem de Barbazan était un capitaine expérimenté et estimé de ses adversaires. Le célèbre chroniqueur bourguignon, Olivier de la Marche, présenta d'ailleurs le seigneur de Barbazan comme "le chevalier sans reproche" ; c'est tout dire sur ses états de service guerriers !

Au service des ducs Louis d’Orléans et Jean de Berry.

Originaire de Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées, et faisant partie de cette noblesse du Sud-Ouest fidèle au duc d’Orléans (depuis la fin du XIVe siècle), Arnaud-Guilhem, fils de Regnaut de Barbazan, fut dès son plus jeune âge formé au métier des armes et s'avéra être doué pour cela. Il participa très jeune, à l’âge de dix-huit ans, à une expédition contre les Musulmans.

De retour de "croisade", il se mit alors au service du duc Louis 1er d’Orléans (1372-1407) comme son père avant lui. En avril 1402, il eut l'immense honneur de devenir chambellan du prince et le mois suivant, il participa, en compagnie de six autres chevaliers français, au combat de Montendre en Guyenne qui les opposa à sept chevaliers anglais. Les Français l'emportèrent, montrant ainsi le prestige de la chevalerie française. Pour les remercier de cette victoire, le duc d’Orléans organisa un grand festin à Paris.

En janvier 1404, Arnaud-Guilhem de Barbazan fut envoyé en Lombardie avec un contingent d’écuyers gascons. A la tête du gouvernement royal, le duc d’Orléans plaça ses fidèles à des postes clefs de l’administration et nomma, en 1405, Arnaud-Guilhem de Barbazan, sénéchal d’Agenais.

A la mort de Louis d’Orléans, en novembre 1407, le seigneur de Barbazan se mit tout naturellement au service du duc Jean de Berry, chef des « Armagnacs ». Pendant plus de dix ans, il fut l’un des principaux capitaines, en combattant les Bourguignons en Berry en 1411 et les Anglais en Poitou et en Guyenne en 1412.

En 1417, le seigneur de Barbazan défendit vaillamment la cité de Corbeil contre les assaillants bourguignons.

Le dauphin fait appel à lui.

A la mort du comte d’Armagnac, Bernard VII, assassiné en 1418 par les hommes de Jean Sans Peur, il se rangea au côté du dauphin Charles de France, futur Charles VII. Le 1er juin 1418, il tenta de reprendre Paris aux Bourguignons en vain ! Ensuite, il se rendit en Poitou et en Touraine où il reçu le capitanat de Lusignan. Pour mener à bien sa mission, le dauphin lui confia une compagnie composée de 240 hommes d’armes et 240 hommes de trait (archers et arbalétriers).

Dès lors, Arnaud-Guilhem de Barbazan devint le principal conseiller militaire et le premier chambellan du dauphin. De 1418 à 1419, il participa activement aux négociations entre Bourguignons et Français.

Après le traité de Pouilly-le-Fort (11 juillet 1419) entre Jean Sans Peur (1404-1419), le duc de Bourgogne et Charles, le dauphin de France, Arnaud-Guilhem de Barbazan refusa la somme de 500 moutons d’or que souhaitait lui offrir le duc de Bourgogne. Ce refus était motivé par l’assassinat de ses deux anciens maîtres le duc Louis 1er d’Orléans (1392-1407) et le connétable de France, Bernard VII d’Armagnac (1391-1418).

Avec l’assassinat du duc Jean 1er de Bourgogne sur le pont de Montereau le 10 septembre 1419, Barbazan fut immédiatement soupçonné. Il s'en défendit et il clamât son innocence. Pour échapper à la vindicte bourguignonne, il s'enfuit !

 Assassinat de Jean Sans Peur sur le Pont de Montereau
(enluminure du XVe siècle - BNF)

La prison.

Dès la fin juillet 1420, Arnaud-Guilhem se trouvait à Melun où il défendit la ville contre les troupes anglo-bourguignonnes du roi Henri V d’Angleterre (1413-1422) et du duc Philippe III de Bourgogne (1419-1467) (un traité d’alliance fut signé entre les royaumes le 21 mai 1420). Le siège s’acheva le 17 novembre 1420 par la reddition de la ville et la capture d'Arnaud-Guilhem de Barbazan. Ce dernier fut emmené à Paris pour d’y être jugé comme meurtrier du duc Jean Sans Peur. Il avoua, évidement, sous la torture, puis se rétracta en clamant haut et fort son innocence. La sentence tomba, il fut incarcéré pendant six ans. Une enquête fut cependant ouverte par le Parlement de Paris pour déterminer le vrai coupable.

Estimant qu'Arnaud-Guilhem de Barbazan était trop précieux pour le parti français, les Anglais souhaitant le garder le plus longtemps possible ; ils acceptèrent de fixer une rançon conséquente qu’en 1425 (elle s’élevait alors à 32 000 saluts d’or).

Ne pouvant faire face tout seul à une telle rançon, le 14 mars 1426, le roi Charles VII ordonna que la somme de 6 000 livres lui soit envoyée dans les plus brefs délais.

La somme demandée par les geôliers de Barbazan n'arrivant pas, ils décidèrent de déplacer leur prisonnier au château de Château-Gaillard où il connut une détention plus pénible.

Une libération inespérée.

En février 1430, le capitaine Étienne de Vignolles (1390-1443), dit La Hire, prit Château-Gaillard en profitant d'une négligence. En effet, en escaladant les parois de la forteresse, les hommes de La Hire purent pénétrer dans la forteresse sans être repérés et libérèrent Arnaud-Guilhem de Barbazan. Celui-ci se porta immédiatement auprès du roi Charles VII de France, en résidence à Sully-sur-Loire.

Reprenant sa place au conseil, il fut institué gouverneur de la Champagne et, en récompense de ses précieux services, le roi de France lui octroya la somme de 2 000 livres.

Le nouveau gouverneur de la Champagne s'associa ensuite au duc René d'Anjou, pour mener de rudes campagnes militaires en Champagne et en Bourgogne.

Bulgnéville, la fin.

Connaissant bien Arnaud-Guilhem de Barbazan depuis qu’ils avaient combattus ensemble par le passé, René d’Anjou, devenu duc de Lorraine, fit immanquablement appel à lui pour l’aider dans son différend l’opposant au comte de Vaudémont, féroce compétiteur et allié des Bourguignons. La bataille qui se produisit, le 2 juillet 1431, tout près de Bulgnéville scella le destin des deux hommes.

Les troupes ducales de René 1er de Lorraine connurent, en effet, une défaite mémorable où le seigneur de Barbazan y fut grièvement blessé en tentant, vainement, de disloquer les rangs bourguignons.

Barbazan fut alors transporter dans une maison de Bulgnéville où il décéda. On peut d'ailleurs voir, dans la rue de Bulgnéville qui porte son nom, une stèle commémorative posée à l'emplacement de cette maison.

En 1457, le roi Charles VII fît transporter les restes de Barbazan à la Chapelle de la Vierge à Saint-Denis et fit mettre son tombeau près de celui des monarques français, après lui avoir rendu les honneurs qu'il méritait !


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Arnaud-Guilhem de Barbazan restera dans les mémoires comme l'un des plus valeureux seigneurs fidèles au parti français en tentant de contrecarrer, à Bulgnéville, les prétentions du parti bourguignon. Ce chevalier "sans reproche" méritait bien une place particulière dans l'histoire de France et de la Lorraine.

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lundi 7 mars 2011

JACQUES DE BAYON, un chevalier lorrain au service des princes

Je vous propose de découvrir la vie de Jacques de Bayon (1235-1311), seigneur issu la famille
ducale de Lorraine et qui œuvra toute sa vie pour le prestige de la Lorraine
et du royaume de France

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Jacques de Bayon
Un chevalier lorrain au service des princes
(Vers 1235 - 1311)


Armoiries de Jacques de Bayon
(D'or à la bande ducale aux trois alérions chargée d'un lambel d'azur à cinq pendants)


Petit-fils du duc Ferry de Lorraine, Jacques de Bayon se mit au service du roi de France, Philippe IV le Bel, qui avait alors fort à faire en Flandre. Il se distingua notamment au cours des batailles de Courtrai, de Cassel et de Mons-en-Pévèle.

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Chevalier de sang ducal, souvent cité dans les Chroniques Artésienne et Tournaisienne, Jacques était originaire de Bayon, petite localité située au sud de Nancy, proche de Lunéville, où s'implanta une branche cadette des ducs de Lorraine.

Né vers 1235, Jacques de Bayon était le second fils de Henri de Lorraine dit le Lombard (Fin du XIIe siècle - Avant le 23 avril 1256) et de Damette de Pesmes (Fin XIIe siècle - Avant le 24 août 1285). Pour information, le père de Jacques était le sixième fils de Ferry 1er (Vers 1155-7 avril 1207), duc de Lorraine, sire de Bitche, Sierck, Ormes et Gerbéviller. Avec Henri le Lombard va naître la lignée des seigneurs de Bayon. En ce qui concerne Damette de Pesmes, elle était la sœur de Jacques de Pesmes, chevalier et seigneur de la Résie, en Franche-Comté. En dehors de Jacques, Henri le Lombart et sa femme eurent un premier fils, Philippe (Vers 1230 - Avant le 4 juillet 1301) qui deviendra sire de Bayon, et deux filles, Isabelle et Marguerite, abbesse de Remiremont.

Deux unions

Il se maria en premières noces avec Agnès de Choiseul (1225-1298), fille de Renart II de Choiseul (1195-1239) et d'Alix de Dreux (1190-1258). Agnès était alors veuve de Simon de Saxefontaines (mort en 1268) et de Pierre, sire de Lafauche (mort en 1270 au cours de la Huitième Croisade) ; elle avait eu de ses deux hommes huit enfants, quatre à chaque fois. En s'unissant avec Agnès de Choiseul, Jacques de Bayon devint cousin-germain, par alliance, de Thiébaut II et par la même occasion proche de la Maison capétienne de Dreux. Henri de Bayon, né avant 1285, fut le seul enfant de Jacques et d'Agnès de Choiseul.

Après la mort d'Agnès de Choiseul en 1298, Jacques convola en secondes noces avec une certaine Jeanne, qui lui survécu et se remaria avec Jean d'Eppe avant 1319.

Un patrimoine conséquent

Avant le mois de février 1261, Jacques de Bayon prit possession d'une partie du château et de la terre de Bayon, l'autre partie étant réservée à son frère aîné, Philippe. Il possédait également des dîmes à Borville et à Chamagne.

Château de Bayon (état en 1830)
Bibliothèque Municipale de Nancy

En juillet 1273, peu après son mariage avec Agnès de Choiseul, Jacques commença l'administration des biens de sa femme et de ses descendants. Le sire de Bayon possédait l'important château de Lafauche (en Haute-Marne) et le vaste patrimoine foncier de l'ancienne seigneurie qui comportait des biens situés en Champagne pour lesquels il rendait hommage au comte de Champagne, roi de Navarre.

Plan du château de Lafauche (52)

Château de Lafauche - La Porte de Lorraine et la Tour de Champagne

Château de Lafauche - Tour faisant pendant à celle de Champagne
et encadrant de fait la Porte de Lorraine

Le duc de Lorraine, Ferry III, lui remit tout ce qu'il possédait à Rozelieures en avril 1283. Le 2 octobre 1287, l'évêque de Metz, Bouchard reçut l'hommage lige de Jacques pour la terre de Vaxoncourt. Il était également le vassal du comte de Bourgogne Otton IV de qui il tenait un fief à Fresne-sur-Apance.

Un bienfaiteur reconnu

Seigneur de Lafauche, Jacques de Bayon se préoccupa de la destinée du prieuré de Remonvaux, fondé par ses prédécesseurs au XIIIe siècle ; en lui assignant en janvier 1280 une rente annuelle de 30 résaulx sur le moulin du Val de Circourt. Pour assurer le repos de son âme, de celui de sa femme et de celles des anciens seigneurs de Lafauche ainsi que pour l'entretien d'une lanterne dans l'église prieurale, autorisa le prieur de ce monastère à prélever deux mines de blé sur le moulin à vent de Semilley. Renonçant aux dîmes de Chamagne (village proche de Bayon), il passa un accord avec les chanoinesses de Remiremont, en décembre 1286.

Ce seigneur pouvait compter sur des vassaux comme les seigneurs de Grand, de Pargny-sur-Mureau, le chevalier Jean de Fontenoy (un de ses parents éloignés, descendant des comtes de Toul), les écuyers Mauffrignon et Olry de Romont.

Un personnage au rôle politique important en Lorraine

Le 8 mars 1269, il se porta caution pour le duc Ferry III de Lorraine (1251-1303) lors de l'alliance de ce dernier avec Henri, le fils aîné du comte Henri V de Luxembourg (1247-1281). La même année, en avril, il devint l'arbitre d'un différend opposant l'abbé de Senones au comte  IV de Salm. 1245-1292). Le 25 septembre 1272, lors d'un traité conclu entre le duc Ferry III de Lorraine et le comte Thiébaut  II de Bar (1240-1291), il fut chargé, en compagnie de Liébaut  IV de Beaufremont (135-1302) de surveiller l'évêque de Metz et ses fidèles, capturés au cours de la bataille de Hadigny (village situé à quinze kilomètres au nord d'Epinal et aujourd'hui appelé Hadigny-les-Verrières), qui opposa les Messins et les troupes ducales et épiscopales à la mi-septembre. Le 20 juin 1274, Jacques de Bayon fut déchargé de cette tâche avec la libération des combattants messins.

Jean II de Choiseul, son beau-frère, fit appel à lui pour règlement de son conflit avec le duc Ferry III de Lorraine, le 23 juin 1277. Les 12 et 13 mars 1280, lors d'une entrevue entre le comte de Bourgogne, Othon IV (1279-1303) et Jean 1er de Chypre (1267-1285), fils de Hugues III de Poitiers-Lusignan, roi de Jérusalem, (1276-1284) Jacques de Bayon fut désigné pour enquêter sur les exactions franc-comtoises en Lorraine. Il rendit sa sentence le 7 novembre 1281.

Le 19 juillet 1282, il assista le duc Ferry III lors d'une conciliation avec le comte Thiébaut de Bar. Le duc de Lorraine lui confia, le 13 mai 1284 et le 15 août 1295, la tâche d'estimer un ensemble de terres qu'il entendait donné à son fils, Thiébaut de Lorraine. Lors de la signature d'une trêve entre ce même duc et Bouchard d'Avesne, l'évêque de Metz (1282-1296), le 19 juin 1289, Jacques de Bayon est cité comme témoin. Il accepta, peu après, d'arbitrer leur nouveau désaccord. Le 4 janvier 1298, il se porta garant du versement de la rançon de deux écuyers du duc de Lorraine, alors détenus dans la geôle du château d'Amance. Le duc Ferry III de Lorraine le sollicita souvent lors de l'entérinement de chartes ; il apposa donc son sceau sur divers documents de 1273 à 1286.

 Le village d'Amance
(avec la motte castrale et l'église paroissiale)

Le 2 février 1280, le duc Ferry III de Lorraine déclara devoir au sire de Bayon 1 000 livres. Afin de récompenser son vassal pour tous les services rendus, Ferry III lui assigna, le 2 février 1281, cinq années du revenu de Neuviller-sur-Moselle (non loin de Bayon) afin de lui rembourser les dettes contractées. En complément, il lui offrit des terres situées à Rozelieures et au ban de Chaumont, en avril 1283. Toujours redevable de 300 livres en 1287, le duc de Lorraine s'acquitta enfin de ses dettes le 15 septembre 1295.

Le village de Neuviller-sur-Moselle
(avec son château du XVe-XVIIIe siècle et son église du XIIe-XVe siècle)

Jacques de Bayon était également le créancier d'autres personnages lorrains comme l'évêque de Metz qui était débiteur à hauteur de 400 livres touloises (il fut contraint d'engager sa terre de Vaxoncourt le 9 octobre 1287 afin d'éponger ses dettes).

En 1290, au cours du mois de novembre, il certifia avec son sceau la vente du fief de Passavant de Jean de Bourgogne, frère du comte de Bourgogne, au duc Ferry III de Lorraine. Le 8 février 1291, il arbitra un différend opposant de nouveau le duc de Lorraine et l'évêque de Metz. Puis, le 15 avril 1295, il intervint dans un accord signé entre ce même duc et Thiébaut de Rumigny.

 Jacques de Bayon au service du roi de France.

Jacques de Bayon devint vassal du futur Philippe IV le Bel en octobre 1285 lorsque celui-ci se maria avec Jeanne de Navarre, héritière du comté de Champagne. Son engagement au côté de ce souverain lors des guerres de Flandre montre son réel dévouement. Le 11 juillet 1302, il participa à la bataille de Courtrai et assista au désastre des troupes royales en compagnie d'autres princes lorrains, le comte de Salm et Hue de Beaufremont.

La bataille de Courtrai
Gravure de Paul Lehugeur - XIX° siècle.

Le 1er avril 1303, Guillaume V de Juliers, le chef flamand victorieux à la bataille de Courtrai, espérait surprendre les Français à Saint-Omer et prendre la ville royale. C'était sans compter sur Jacques de Bayon qui veillait toujours sur cette cité. La bataille se déroula non loin d'Arques. Brisant l'attaque des Flamands, bien supérieurs en nombre, Jacques de Bayon, en fin tacticien, isola le corps des arbalétriers yprois composé alors de 800 hommes d'élite. Guillaume de Juliers, apprenant l'isolement de ses hommes, quitta Saint-Omer laissant derrière-lui près de 600 combattants sur le terrain.

D'après la Chronique artésienne, le 10 juillet 1303, Jacques de Bayon accompagnait le connétable Gaucher de Châtillon lors de la retraite française devant l'armée flamande ;  ils se replièrent sur Thérouanne.

Le 20 août, Philippe le Bel chargea Jacques de Bayon ainsi que Gaucher de Châtillon, Béraud de Mercœur et Miles de Noyers de veiller à ses intérêts en Flandre. Le 19 avril et 1er juillet 1304, Jacques de Bayon fut encore convoqué par le souverain français, en compagnie de seigneurs champenois à Lagny, afin d'avoir une estimation de la situation en Flandre et d'envisager une action décisive. Le 18 août 1304 à Mons-en-Pévèle, il participa à la bataille remportée sur les Flamands par Philippe le Bel.

Bataille de Mons-en-Pévèle
Peinture à l'huile de Charles-Philippe Larivière (XIXe siècle)
Château de Versailles - Galerie des batailles

Le 14 septembre, il négocia, au nom du roi, la reddition de la cité de Lille, en compagnie de Charles comte de Valois, Louis comte d'Evreux, Gaucher de Châtillon et le comte de Savoie.

Après une vie bien remplie, Jacques de Bayon décéda en 1311.

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Ce cadet de la maison de Bayon, issue de celle de Lorraine, fut un capitaine de grande valeur que le roi de France, Philippe le Bel, apprécia grandement et remercia pour sa participation sur les champs de bataille de Flandre.

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Bibliographie sélective

Fr. Funck-Brentano, Les Origines de la Guerre de Cent Ans, Philippe le Bel en Flandre, Paris, 1897.
P. Marot, Un homme d'armes de Philippe-le-Bel : Jacques de Bayon, dit à tort Jacques de Bayonne in Bulletin Mensuel de la Société d'Archéologie Lorraine, Nancy, 1928, pp. 51 à 58.
G. Poull, La Maison ducale de Lorraine, Nancy, 1991.
L. Quintard, Bayon et ses seigneurs in Mémoire de la Société d'Archéologie Lorraine, 1900, pp. 5 et suivantes.

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L'association des amis de Lafauche

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lundi 10 janvier 2011

LE DUC RENE II DE LORRAINE

Je vous propose aujourd'hui, en complément de l'article sur la bataille de Nancy, une biographie
du duc René II de Lorraine, que j'ai écrite et qui est parue dans
la revue Histoire Médiévale en 2004.

Bonne lecture...

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René II duc de Lorraine
Le prince qui défia le puissant duc de Bourgogne

Statue équestre de René II au Musée Lorrain de Nancy  (œuvre en plomb de Nicolas Lépy)
Statue équestre de René II au Musée Lorrain de Nancy
(œuvre en plomb de Nicolas Lépy)

Petit-fils de René d’Anjou (qui affronta, sans succès, les Bourguignons à Bulgnéville le 2 juillet 1431) , René II de Lorraine vit le jour à Angers le 2 mai 1451. Fils aîné de Ferry de Lorraine comte de Vaudémont, baron de Joinville, sénéchal héréditaire de Champagne et de Yolande d’Anjou (fille de René), il passa toute sa jeunesse à la cour de son grand-père, en Provence et en Anjou. Ce prince avait cinq frères et sœurs : Nicolas, seigneur de Joinville et de Bauffremont ; Pierre ; Jeanne, femme de Charles d’Anjou comte du Maine ; Marguerite, épouse de René duc d’Alençon et Yolande, femme de Louis Landgrave de Hesse.

En 1463, à la fin du printemps, René d’Anjou fit jouer au château de Bar la « Farce des Pastoureaux » pour ses petits-enfants présents. En 1470, le jeune homme accompagna le duc de Lorraine dans ses déplacements notamment à Vézelise en juin.

Succédant à son oncle, Jean de Lorraine au début de l’année 1473 en tant que Capitaine d’Angers, Sénéchal et Gouverneur d’Anjou, René de Lorraine obtint donc de son grand-père René d’Anjou les gages associés à ces différentes fonctions en février.

"Le duc René II de Lorraine agenouillé et priant devant la Sainte Vierge à l'Enfant"
Heures de René II, Maître François, Paris, entre 1473 et 1479. Lisbonne,
Musée Gulbenkian, Ms LA 147, f°10. © Lisbonne, Musée Gulbenkian.


Une mort subite bouleverse son destin.

En juillet 1473, l’éphémère duc de Lorraine Nicolas d’Anjou décéda laissant son cousin René dans un grand désarroi. Yolande d’Anjou devint alors duchesse de Lorraine situation qui ne durera pas puisqu’elle préféra laissé le duché entre les mains de son fils le 2 août de la même année, en se réservant cependant l’usufruit. René II, duc de Lorraine fit son entrée officielle à Nancy le 4 août.

"Le duc René II entouré de ses troupes"  Miniature du manuscrit "La Nancéide" de Pierre de Blarru. 1518.  (Bibliothèque municipale de Besançon)
"Le duc René II"
Miniature du manuscrit "La Nancéide" de Pierre de Blarru. 1518.
(Bibliothèque municipale de Besançon)

Rapidement après son accession au pouvoir, le jeune duc fut sollicité par les deux grands princes européens : Louis XI, roi de France et Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. Le but de leurs manœuvres était de contracter une alliance. René II privilégia d’abord le roi de France en scellant avec lui le traité de Neufchâteau le 27 août 1473 ; en agissant de la sorte le duc de Lorraine n’obtint cependant pas de sérieuses garanties de la part du souverain. En proie à des difficultés financières, le duc demanda à son allié de lui prêter la somme de 20.000 livres. Il reçut un refus catégorique ce qui le poussa à se tourner vers le rival du roi de France, Charles le Téméraire. En effet, se sentant profondément bafoué, René II s’entendit alors avec le duc de Bourgogne lors du traité de Nancy, le 15 octobre 1473. Charles le Téméraire obtint le droit de placer des garnisons dans les châteaux lorrains de Darney, Epinal, Amance, Neufchâteau et Prény, créant ainsi une ligne de communication qui lui permettait de rallier le Luxembourg et la Bourgogne, le tout en territoire lorrain.

Un duc de Bourgogne trop pressant.

René II ne pouvait plus supporter les agissements de Charles le Téméraire, pour qui la Lorraine représentait le territoire idéal qui lui manquait pour créer un grand territoire, un royaume médian dont il serait le prince. Des convois d’hommes et de marchandises traversaient son pays ; des bandes de mercenaires venant du Nord pillaient, brûlaient et tuaient les habitants de cette Lorraine à laquelle il était attaché. Le duc n’en pouvait plus.

Renonçant à son alliance avec Charles le Téméraire, le 9 juillet 1474, René II adhéra à la ligue formée par Louis XI, l’empereur, les princes allemands, les villes d’Alsace et les cantons suisses. Le 15 août suivant, le roi de France l’assura de son aide en cas d’attaque bourguignonne.

Après un court séjour dans les Vosges, notamment à Neufchâteau, Mirecourt et Dompaire, René II vint prendre possession du duché de Bar que lui a confié René d’Anjou, au cours du mois de novembre 1474.

Vitrail montrant René II en prière  Œuvre attribuée à Valentin Bousch  Basilique de Saint-Nicolas de Port
Vitrail montrant René II en prière
Œuvre attribuée à Valentin Bousch
Basilique de Saint-Nicolas de Port

Après avoir défié le duc de Bourgogne par l’intermédiaire de son héraut, le 9 mai 1475, le duc de Lorraine scella un traité d’alliance avec l’empereur le 17 mai. Peu de temps après, René II ne put empêcher les troupes bourguignonnes (environ 40 000 hommes) de pénétrer en Lorraine et de s’accaparer tous les châteaux sauf celui de Prény qui résista aux assauts. Le 30 novembre, Charles le Téméraire fit son entrée dans la cité de Nancy. Entre temps, une paix de neuf ans fut signée entre le roi de France et le duc de Bourgogne ; et un traité scellé entre le même duc et l’empereur.

Mécontent de la tournure des évènements et fortement résolu à ne pas se laisser faire, le duc de Lorraine constitua une force armée dans les Vosges avec les nobles lorrains restés fidèles ainsi qu’avec des mercenaires suisses venant de différents cantons. Mais les choses ne se passèrent pas si facilement et René II fut contraint de quitter le bailliage des Vosges car sa personne était sérieusement menacée. Il rendit alors à Joinville vers la fin de l’année 1475. Au cours de l’hiver 1475-1476, le duc de Lorraine manda deux émissaires en Suisse afin de recruter de nouvelles troupes. En avril 1476, ayant eut vent de la cuisante défaite bourguignonne à Grandson le 2 mars précédent, il envisagea immédiatement de reprendre le combat. De passage en Suisse où il tenta de convaincre les cantons de l’aider dans sa tache de reconquête de ses territoires, il prit part à la fameuse bataille de Morat, le 22 juin où le duc de Bourgogne fut défait.

La déconfiture du grand prince provoqua une virulente réaction en Lorraine de la part des habitants qui commencèrent la lutte, reprenant aux garnisons bourguignonnes plusieurs forteresses dont Vaudémont. René II put faire son entrée à Saint-Dié le 21 juillet et à Epinal le lendemain. Il entreprit peu après le siège de la forteresse de Châtel-sur-Moselle et de la cité Nancy ; cette dernière capitula le 8 octobre.

Un duché de Lorraine retrouvé.

"Le duc René II à la bataille de Nancy, 5 janvier 1477"  Miniature du manuscrit "La Nancéide" de Pierre de Blarru. Fin XVe siècle.
"Le duc René II à la bataille de Nancy, 5 janvier 1477"
Miniature du manuscrit "La Nancéide" de Pierre de Blarru. 1518.

Le duc de Lorraine ne savoura pas longtemps la prise de sa capitale puisque les troupes du duc de Bourgogne y vinrent mettre le siège le 21 octobre. René II préféra quitter sa chère cité pour aller chercher de l’aide en Alsace, notamment à Sélestat où il séjourna le 1er décembre. Ayant pu convaincre les Alsaciens et les Suisses de l’aider dans sa tâche de recouvrir définitivement son duché, René II passa le 4 janvier 1477 à Saint-Nicolas-de-Port et se dirigea en direction de sa cité ducale. Le 5 janvier, les troupes bourguignonnes furent défaites par une forte coalition au cours de la bataille de ou plutôt pour Nancy. Le grand duc d’Occident, Charles le Téméraire y trouva misérablement la mort.

"Le duc René II entouré de ses troupes"  Miniature du manuscrit "La Nancéide" de Pierre de Blarru. 1518.
"Le duc René II entouré de ses troupes"
Miniature du manuscrit "La Nancéide" de Pierre de Blarru. 1518.
(Bibliothèque municipale de Besançon)

René II sortit inévitablement grandi de ce conflit qui d’ailleurs aurait pu définitivement lui coûter son duché. Fin janvier 1477, il réunit les États Généraux de Lorraine puis se rendit auprès du roi de France Louis XI qui le félicita grandement.

La statue équestre de René II de Lorraine  Bronze de Mathias Schiff - 1883  Nancy - Place Saint-Epvre
La statue équestre de René II de Lorraine
Bronze de Mathias Schiff - 1883
Nancy - Place Saint-Epvre
La statue équestre de René II de Lorraine  Bronze de Mathias Schiff - 1883  Nancy - Place Saint-Epvre

Un héritage convoité.

A partir de mars 1477, le duc de Lorraine envisagea de s’assurer la possession de tous les biens de son grand-père, René d’Anjou. En effet, les duchés d’Anjou, de Bar, les comtés du Maine, de Provence et le royaume de Sicile faisaient partie de l’héritage de son aïeul mais s’était sans compter sur le roi de France qui entendait s’accaparer ces territoires.

Pendant que René II se rendait en Provence, les espions de Louis XI sillonnèrent son duché à l’affût de la moindre information le concernant. Ne pouvant rentrer dans ses États, le duc s’embarqua à Marseille le 25 novembre 1480 direction Venise où il arriva le 13 mars. Admis le 16 avril comme patricien de la cité des Doges, il scella un traité avec le doge Jean Mocenigo dans lequel il s’obligeait à venir défendre la république vénitienne en compagnie de 500 cavaliers et 1 000 hommes d’armes en cas de péril.

Venise - Le campanile de la Place San Marco  avec à sa gauche le Palais des Doges
Venise - Le campanile de la Place San Marco
avec à sa gauche le Palais des Doges

Au cours de l’année 1481, René II put enfin revenir en Lorraine en passant par la Suisse.

Entre temps, Louis XI avait intégré l’Anjou, le Maine et la Provence au royaume de France sans que le duc de Lorraine ne puisse s’interposer.

La guerre de Ferrare et ses déboires avec la royauté.

Le 3 mai 1482, la république de Venise déclara la guerre à Ercole d’Este, duc de Ferrare et partisan de Ferrante d’Aragon, usurpateur du royaume de Sicile, alors possession de la Maison d’Anjou. René II décida quelques après d’apporter sa précieuse aide au doge mais ne quitta sa bonne cité ducal de Nancy que le 11 mars 1483, en compagnie d’un bon nombre de seigneurs lorrains et de l’évêque de Verdun. En passant par la Suisse, le duc de Lorraine recruta de nombreux mercenaires lui permettant de porter à 200 cavaliers et à 1 000 fantassins son corps expéditionnaire. Il est reçu en grande pompe par le doge de Venise le 13 avril.

Après une brillante victoire sur Ercole d’Este et ses troupes le 20 avril, René II, fraîchement nommé capitaine général des troupes vénitiennes, entreprit le siège de la cité de Ferrare. Davantage préoccupé par le sort de la Sicile, le duc de Lorraine laissa le soin d’achever la prise de Ferrare au bâtard de Calabre. Il se retira donc à Padoue afin d’organiser l’expédition sicilienne mais en apprenant la mort du roi de France Louis XI, qui intervint le 8 septembre, il préféra s’en retourner en Lorraine dès le 22 septembre avant de se rendre auprès d’Anne de Beaujeu, la défunte reine et de Charles VIII, le tout jeune roi.

René II n’arriva à Blois que le 25 octobre où l’attendait la régente Anne de Beaujeu. Désirant se l’attacher, la reine de France lui restitua le Barrois, occupé jadis par Louis XI et lui proposa même d’épouser Philippe de Gueldre, ce qu’il fit d’ailleurs mais nous en reparlerons.

René II  Nancy - Porte de la Craffe
René II
Nancy - Porte de la Craffe

Le 27 juillet 1486, René II adressa une virulente protestation à la régente du royaume au sujet du rattachement définitif du duché d’Anjou et du comté de Provence alors qu’elle avait promis d’essayer de l’aider à récupérer ses droits sur ces deux principautés. Afin d’apaiser sa haine, Anne de Beaujeu le nomma Grand Chambellan et lui promit de lui fournir troupes et argents dans l’optique d’une nouvelle expédition en Sicile.

Apprenant qu’une révolte avait éclatée en Sicile contre le pouvoir de Ferrante d’Aragon au début de l’année 1488, René II se félicita de cet événement et rassembla ses troupes afin de reconquérir la terre de ses ancêtres. Mais, il ne pourra pas mener à bien son dessein car le roi de France Charles VIII lui intima l’ordre de s’en retourner en Lorraine puisqu’il envisageait lui-même de conquérir ce royaume de Sicile. Dépité, le duc obtempéra et fut également à cette occasion déchu de son commandement de la compagnie de Cent Lances et de la pension de 36 000 livres accordés en 1484.

"Le duc René II entouré de ses fidèles"
Jacques de Cessoles. LE jeu des échecs moralisés". BNF. Département des manuscrits.

René II ne comptait pas en rester là et revendiqua de nouveau le comté de Provence. Charles VIII lui accorda une nouvelle pension de 24 000 compensatrice, le 22 mai 1497.

Après la mort du souverain français le 7 avril 1498, le duc de Lorraine assista naturellement au sacre de Louis XII auquel il rend hommage pour le Barrois mouvant. Les relations avec le nouveau roi ne seront pas toujours au beau fixe car le duc essaya à maintes reprises de récupérer certaines terres lui ayant appartenues par le passé, comme celle de Gondrecourt.

Deux mariages.

Le duc de Lorraine René II se maria à deux reprises. Le 9 septembre 1471 il épousa Jeanne d’Harcourt, fille de Guillaume d’Harcourt, comte de Tancarville et de Yolande de Laval. Comme Jeanne ne put lui donner des enfants, il la répudia en 1475. Après une enquête de l’Official de Toul, une assemblée de religieux et de juristes annula enfin le mariage le 8 août 1485, soit dix années après la répudiation ducale. En guise de dédommagement, Jeanne d’Harcourt reçut à partir de juin 1486 une rente annuelle de 2 000 livres.

Le duc René II de Lorraine et la duchesse Philippe de Gueldre avec leurs fils.   Vita Christi par Ludolphe le Chartreux. 1506.   Bibliothèque Municipale de Lyon, manuscrit ms 5125, folio 3v.
Le duc René II de Lorraine et la duchesse Philippe de Gueldre avec leurs fils. 
Vita Christi par Ludolphe le Chartreux. 1506. 
Bibliothèque Municipale de Lyon, manuscrit ms 5125, folio 3v.
Ce fut à Blois que René II rencontra et épousa en secondes noces Philippe de Gueldre nièce de la reine Anne de Beaujeu. Philippe était alors la fille d’Adolphe d’Egmont, duc de Gueldre et de Catherine de Bourbon. Un contrat de mariage fut signé le 28 août 1485 et le 1er septembre l’union fut célébrée à Orléans. De cette union naquirent douze enfants : Charles (né en 1486 et décédé jeune), François (né et mort le 5 juillet 1487), Antoine (né le 4 juin 1489, succèdera à son père), Anne (née en 1490 et décédé l’année suivante), Nicolas (né en 1493 et mort en bas-âge), Isabelle (née en 1494 et décédée avant 1508), Claude (né en 1496 et mort en 1550. Auteur de la branche des ducs de Guise de la Maison de Lorraine), Jean (né en 1498 et décédé en 1550. Cardinal-Diacre), Louis (né en 1500 et mort en 1528. Evêque de Toul puis abbé de Saint-Mihiel, devient comte de Vaudémont), Claude et Catherine (nées en 1502) et François (né en 1506 et décédé à la bataille de Pavie en 1525).

Philippe de Gueldre.  Peinture sur bois - Début XVIe siècle.  Musée Lorrain.
Philippe de Gueldre.
Peinture sur bois - Début XVIe siècle.
Musée Lorrain.

Gisant de Philippe de Gueldre, seconde épouse de René II (morte en 1547)  Œuvre de Ligier Richier  Nancy - Église des Cordeliers
Gisant de Philippe de Gueldre, seconde épouse de René II (morte en 1547)
Œuvre de Ligier Richier
Nancy - Église des Cordeliers

René II, un humaniste avisé.

Le nouveau palais ducal reconstruit peu après la bataille de Nancy ne fut pas sa seule résidence, il résida tantôt à Bar-le-Duc, Pont à Mousson, Gondrecourt ou Lunéville… La cour ducale le suivait partout où il se rendait et se composait en premier de la famille ducale, de nobles, écuyers, apothicaires, médecins, nourrices, serviteurs, fous et musiciens.

A l’instar de la cour royale de France, celle de René II offrit un certain raffinement. Dès 1480, des spectacles inédits furent proposés à l’assistance, avec la mise en scène d’animaux exotiques en provenance d’Afrique, comme des lions par exemple. Des combats entre fauves et taureaux furent ainsi offert à cette cour ducale. La cour fut également le cadre d’un développement artistique et littéraire. Le mécénat ducal permit notamment aux peintres de s’exprimer pleinement ; Georges Trubert en tête. Collectionneur et humaniste avisé, le duc de Lorraine introduisit ainsi la Renaissance en Lorraine.

Une partie de chasse décisive.

Dès le 21 juillet 1482, René II avait fait rédiger un premier testament au moment où il se rendait en Italie. Le second testament qui intervint le 25 mai 1506, stipulait que les duchés de Lorraine et de Bar et le marquisat de Pont-à-Mousson seraient à jamais réunis sous un même gouvernement et que seul un homme pourra exercer le pouvoir.

Au cours de l’automne 1508, René II participa à une partie de chasse non loin du château de Fains, dans le Barrois. Ne s’étant pas suffisamment couvert, le duc de Lorraine prit froid. Rentré au château, le prince fut prit de malaises et peu à peu son état empira. Le 10 décembre, il fut retrouvé inanimé dans son lit. Un grand prince venait de mourir.

Détail de l'enfeu du Duc René II de Lorraine  Œuvre du sculpteur Mansuy Gauvin (mort en 1542)  réalisé en 1509  Nancy - Église des Cordeliers
Détail de l'enfeu du Duc René II de Lorraine
Œuvre du sculpteur Mansuy Gauvin (mort en 1542)
réalisé en 1509
Nancy - Église des Cordeliers

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L’église des Cordeliers de Nancy, situé à côté du palais ducal, reçut la dépouille du bon duc René II. Dans les églises de la cité ducale comme dans celles du duché furent célébrées des messes en l’honneur du prince qui défia le grand duc d’Occident, Charles le Téméraire en le terrassant à la bataille pour Nancy.

Nancy - La nef de l'église des Cordeliers
 Nancy - La nef de l'église des Cordeliers
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Bibliographie sélective :

Paul MARICHAL, René II duc de Lorraine et les possessions de la Maison d’Anjou dans le Maine, 1909.
Paul MARICHAL, René II duc de Lorraine et le domaine de Jeanne de Laval, in Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, 3e série, Tome III, pp. 65 à 96.
Michel PARISSE, Noblesse et Chevalerie en Lorraine médiévale, PUN, 1982.
Georges POULL, La Maison ducale de Lorraine, PUN, 1991.
René DE VIENNE, René II et Venise 1480-1483, in Le Pays Lorrain, n°3, 1977, pp. 135 à 139.

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René II défie Charles le Téméraire

Le 9 mai 1475, le héraut Lorraine se présenta au duc de Bourgogne qui assiégeait la ville de Neuss, située dans l’électorat de Cologne, afin de lui remettre une lettre de défi de son maître.

La rencontre entre le héraut et le prince fut relaté par un chroniqueur en ces termes :

« Premierement, l’entree et reverence faite en forme de supplication, comme il s’en suyt :

Tres haut, tres excellent et tres illustre prince, salut, honneur et tres humble reverence a vostre magnifique haultesse de la parte de tres hault, tres puyssant et mon souveraing seignor le duc de Lorrayne, Regnier second de ce nom. Je suis envoye comme son tres humble et tres obeyssant herault d’armes, affin de vous dire et exposer ce qu’il m’est enjoint et ordonné de faire.
Et pour ce que je n’oseroye ne voldroye moy presumer ne ingerer de declarer madite charge, sans prealablement vous supplyer moy donner audience et licence de faire ce qu’il m’est ordonné, protestant de non proceder plus avant que vostre bon vouloir a ce vouldra accorder.

Response faite pas ledit duc Charles :

Hérault, vous dirès ce que vous avès de charge de vostre maystre, et de ce que dirès en ayès mémoire pour en certiffier, comme il appartient au degré de vostre office.

L’exposition de la charge dudit herault ayant son bonnet affoyble come celuy qui parle en la bouche de son maystre, vestu de sa coste d’armes :

Toy, Charles, duc de Bourgoygne, de la parte de tres hault, tres puyssant et tres redouté prince monseigneur le duc de Lorrayne, mon tres redoubté et souveraing seignor, je te nonce deffiance aufeuet a sang contre toy, tes apyes, subjects et alliés, et autre charge je n’ay de proceder plus avant

Response par ledit duc Charles audit herault, enparlant comme a son maystre :

Herault j’ay ouy et entendu l’exposition de ta charge, par laquelle tu m’as donné matiere de joye. Et pour toy donner et demonstrer que le cas est tel, tu vestiras ma robe avec ce present don, et diras a ton maystre que je me trouveray de brief en son pays. Et la plus grande crainte que j’ay, c’est de ne point trouver. Et affin que tu ne craignes de ton retourne, je ordonne au marreschault de mon oste, à Toison d’Or, roy d’armes de mon ordre, qu’ils te convoyent a bonne seurté. Car je seroys marry sy tu ne faisaois ton report devers ton maystre, comme il apartient a bon et loyal officier d’armes.

Le present que fist le duc Charles au herault d’armes :

A la despesche dudit officier d’armes fut delivree la robe de drap d’or que pour lors avoit vestu, et avec ce ungne coupe d’argent dorée en laquelle il y avoit cinq cents lyons d’or ».

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Les armoiries de René II de Lorraine en détail

armoiries de René II de Lorraine


Le Duc de Lorraine portait le titre de Rois de Jérusalem, de Naples, de Hongrie et d'Aragon, de Ducs d'Anjou, de Bar, de Gueldre et de Juliers. On trouve sur ses armoiries:
- Au centre trois alérions: aiglons sans bec, ni pattes, aux ailes déployées, représentant la Maison de Lorraine.
- Au dessus la Croix des Rois de Jérusalem.
- Les fleurs de Lys de Naples.
- A gauche les armoiries de la Hongrie.
- A droite celles d'Aragon.
- Au bas les fleurs de lys d'Anjou.
René II y ajouta la croix de Lorraine à double traverse
et le chardon après la bataille de NANCY.

Blason de René. AD Meuse, cote 4 H 114
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Des liens internet utiles :

Sur
wikipedia

René II le Victorieux sur

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